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Le cancer doit disparaître, pas l'équipe du Dr Delépine.

Networkvisio: le Tribunal Administratif de Pontoise se penche sur les premiers Recours

14 Août 2014 , Rédigé par moi Publié dans #La Presse audiovisuelle en parle...

Networkvisio: le Tribunal Administratif de Pontoise se penche sur les premiers Recours

AP-HP Fermeture du Service d'Oncologie Pédiatrique de Garches : le Tribunal Administratif de Pontoise se penche sur les premiers Recours

Ce 13 août au matin le tribunal administratif de Cergy-Pontoise examinait les deux premiers recours adressés par les familles des patients et le Docteur Nicole Délépine au sujet de la fermeture du service d'oncologie pédiatrique de Garches. Les deux référés – l'une de plusieurs familles contre la fermeture du service, l'autre du docteur Délépine contre le refus par l'APHP qu'elle bénéficie d'un cumul emploi retraite (CER) pour rester auprès de ses patients, ont été jointes dans un seul et même dossier.

Au total, une vingtaine de procédures judiciaires devraient être déclenchées, les parents de patients ayant commencé une véritable guerre de tranchées juridiques : il y a ainsi seize référés individuels (de familles ou de patients), parfois concomitamment devant plusieurs juridictions, le recours du docteur Délépine contre le refus de CER, une saisine du Défenseur des Droits Jacques Toubon, une saisine de la Cour Européenne des Droits de l'Homme, un recours en Conseil d'Etat qui devrait être audiencé à la rentrée et un futur procès en diffamation que le docteur Délépine a l'intention de commencer contre le directeur de l'APHP Martin Hirsch.

Comme d'habitude dans la juridiction administrative, le juge – unique – mène les débats en posant des questions ordonnées par groupes, de façon à traiter à la suite les questions relatives à la légalité externe (compatibilité avec les textes législatifs), la légalité interne (est-ce que l'auteur de l'acte était compétent pour le faire ?) et si l'urgence est constituée (si la poursuite de la situation fait grief de façon urgente et directe). Cet ordre est immuable. Les avocats des deux parties répondent au juge ; exceptionnellement, les requérants peuvent être amenés à donner des précisions.

Il faut noter que les requérants – Mme Délépine et les familles sont défendues par le même avocat, Me Emmanuel Ludot, qui est aussi celui de l'association Ametist qui regroupe les parents des patients actuels et anciens du service. « Engagé depuis des décennies dans notre lutte, même quand nous étions encore très peu connus, il nous défend pro bono », précise le docteur.

Avant tout le juge discute de l'intérêt à agir des parties et de la compétence du tribunal. Celle-ci est maintenue bien que Mme Délépine ait aussi saisi le TA de Paris par rapport à son CER – ce serait pourtant curieux si Paris et Pontoise prenaient des décisions contradictoires, ce qui n'est pas impossible ; la justice reste une question d'interprétation de réalités humaines, subjectives, changeantes. Pour le conseil des parties, il est « évident » pour l'avocat des requérants, « inexistant » pour celui de l'AP-HP – le tribunal est au milieu du gué.


Le cumul-emploi-retraite de de Mme Délépine : une demande d'embauche?

Côté légalité externe, le tribunal administratif se penche sur plusieurs aspects du dossiers. Notamment le fait que le refus pour Mme Délépine de bénéficier du CER n'a pas été motivé. « Ce n'est pas une question d'argent », déclarera plus tard l'intéressée à notre micro. « Entre les conseils, les consultations et les traitements prescrits, les titulaires du CER rapportent largement à l'AP-HP ». Pour Me Ludot, « il y a une forte humanisation de la personnalité de Mme Délépine, ce service est fortement marqué par sa présence et ses conseils ».

Pas du tout, réplique le conseil de l'AP-HP : « depuis le 18 juillet, Mme Délépine est à la retraite, elle n'est plus fonctionnaire. Par conséquent il n'y a pas d'instruction ou de consultation à faire, l'AP-HP est sollicitée par le Docteur pour qu'elle ait un emploi et il n'y a rien à motiver ». Deux points de vue irréconciliables mais fondés tous deux en droit entre lesquels le tribunal devra trancher.

Un autre point de friction : la directrice de la DOMU (direction d'orientation médicale et de relation avec l'Université, ex Direction Médicale-Administrative) qui a refusé son CER à Mme Délépine étai-elle compétente ? Cela n'a rien à voir avec ses capacités professionnelles. Le terme désigne les possibilités légales pour un individu de prendre une décision – il faut qu'il en ait le droit, qu'il ait la compétence territoriale et dans ce cas une délégation nominative de signature. La situation est compliquée par le fait que c'est une dirigeante par interim. Mais l'avocat de l'AP-HP marque un point quand il explique que « la directrice, nommée le 2 juin 2014, a bénéficié le 12 d'une modification de l'arrêté de délégation des signatures dans lequel elle est nommément citée ». Six jours plus tard, elle refusait le CER. Elle en avait le droit.


Fermeture du service d'Oncologie Pédiatrique : des enfants atteints de Cancer dans les limbes

Enfin la question de l'urgence est celle qui prend le plus de temps. Car le service est fermé et une question se pose : Mme Délépine s'accroche-t-elle délibérément à Garches ? Me Ludot explique : « elle n'a pas l'ambition de retrouver le bureau qui était le sien juste avant son départ en retraite ; elle se met à disposition de l'administration hospitalière selon le plus noble sens du service public, sachant que le service n'est pas supprimé mais transféré à Ambroise-Paré ». Il se trouve que les traitements individuels sont si affinés et si calqués sur l'évolution des tumeurs que sans les indications de Mme Délépine et des quatre agents de son équipe – dont deux sont actuellement suspendus par l'AP-HP pour pouvoir justifier la fermeture du service et deux en arrêt maladie – il est impossible de continuer les protocoles de soins.

Plus dérangeante, une autre question se fait jour. Le juge se hasarde à la poser : « où sont actuellement les enfants ? ». Dans la salle, des parents soupirent « ah, quand même ». Sur les neuf patients du service au moment de sa fermeture, seuls deux ont aujourd'hui un hôpital pour les accueillir. Agés de plus de 15 ans, ils sont accueillis au service de cancérologie adulte de l'hôpital Brousse qui utilise les protocoles établis par Mme Délépine – son chef de service est d'ailleurs en contact constant avec le docteur. Des patients se sont vus refuser l'accès aux soins, une situation dangereuse et illégale dont Networkvisio.com s'était fait écho.

Pour obtenir des précisions, le juge donne la parole à Mme Délépine. Elle refait toute l'histoire du service, parle longuement, se laisse emporter dans des détails, retrace « l'asphyxie » de son service, de ses médecins abandonnés par l'administration au bord du burn-out, « deux réunions extraordinaires du CHSCT en mars et avril, un danger immédiat de risques psychosociaux signalé et ignoré par l'administration ». On sent que c'est l'oeuvre de sa vie, sa mission – peut-être même sa Vocation. Et se dessine une vision de la Santé irréconciliable avec la bureaucratie, les grands laboratoires, l'asservissement systématique des soins des enfants atteints de cancers aux essais cliniques. L'espace d'une petite heure, le tribunal administratif francilien est la scène d'une tragédie antique avec ses solistes – Mme Délépine, les avocats en robe noire, le juge – et le coeur peiné des parents, pour l'essentiel des femmes.

Me Ludot apporte dans l'ordre les précisions que Mme Délépine n'a pu ou su donner : « le service à Ambroise Paré n'existe pas, il n'y a pas actuellement de continuité des soins ». Le docteur rajoute : « le principe, c'est de rapprocher les cures – à mesure que le patient récupère – afin d'empêcher la tumeur de se développer. Lorsqu'on dit à un patient qui devait avoir une chimio le 13 août de revenir en septembre, lorsqu'on met en péril la continuité des protocoles de soins, lorsqu'on laisse des patients qui luttent contre la maladie pris dans cette incompréhensible tourmente, on leur enlève des chances de survie, il y a urgence, il y a danger ».

L'argument a du porter. Car si d'habitude une ordonnance de tribunal administratif est rendue dans les 15-20 jours après le jugement, celle-ci le sera dès le 14 août. Le signe que la justice prend au sérieux l'affaire – même si ce n'est que le début d'une bataille judiciaire et sociale qui ne trouvera sans doute pas sa solution dans le petit tribunal de Cergy-Pontoise.

LOUIS-BENOIT GREFFE

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